The White Stripes est un duo composé de Meg White et Jack White (ex-époux qui a pris le nom de sa femme), devenu ces 10 dernières années un des groupes américains majeurs de la scène rock mondiale. Cette reconnaissance méritée est autant due à l'originalité de leur formation se limitant à deux individus (Meg White à la batterie, dont le style est très minimaliste et Jack White qui l'accompagne à la guitare, à la basse ou aux claviers), qu'à la qualité et tout autant la multitude de projets menés par le leader du groupe (Projet parallèles des Raconteurs et des Dead Weather avec d'autres personnalités très en vue de la scène rock actuelle comme la chanteuse Alisson Mosshart des Kills) ou à la curiosité que suscite ces deux personnalités assez atypiques (Meg White est passionnée de taxidermie, ils ne s'habillent qu'en rouge, noir et blanc etc..). A leur actif, une discographie déjà riche de 7 albums (le dernier live en date retraçant leur récente tournée canadienne totalement farfelue pour commémorer leurs 10 ans de carrière).
Les White Stripes produisent du gros son mais peu de brûlots politiques. Ils se sont spécialisés dans le garage rock avec de fortes influences Led Zeppeliennes, tout en allant fricoter du côté du blues (voire de la country music J. White a repris "Jolene" de Dolly Parton et accompagné Loretta Lynn sur "Portland, Oregon").
Mais voilà les Stripes sont originaires de Detroit, LA capitale mondiale de l'automobile, aujourd'hui devenue l'ombre d'elle même. Il était donc assez improbable de ne pas voir émerger quelque chose sur "MoTown" (contraction de Motor Town) en explorant leur discographie. Bingo, sur leur premier album éponyme, le titre "The big three killed my baby" nous plonge directement dans l'univers des majors de l'automobile. Cette 3° piste de l'album constituera d'ailleurs leur premier single en 1999. Sur la pochette du vynil on distingue, toujours en rouge/blanc/noir, un moteur d'automobile sur lequel est indiqué "Insert your money here" et à gauche l'arrière train d'un modèle de voiture dessiné par Preston Tucker : la Torpedo dont voici ci dessous l'intégralité.
Detroit, Michigan : du comptoir français à Motown :
C'est en 1701 que nait Detroit, fondé par Antoine Laumet de La Mothe, sieur de Cadillac. La ville se développe en tant que comptoir commercial placé sur les rives de la rivière du même nom, à proximité des Grands Lacs. La ville passe ensuite en 1761 sous contrôle britannique. Elles est dévastée par un gigantesque incendie en 1805 qui détruit son architecture française en quasi totalité. Mais c'est entre la fin du XIX° siècle et le début du XX° siècle que Detroit, devenue, entre temps la capitale de l'état du Michigan, va prendre son essor et devenir la capitale mondiale de l'industrie automobile. C'est le début de l'histoire des Big 3 qui suivent jusque dans les années 70, un parcours auréolé de succès.
Henry Ford ouvre le feu et les usines de la Ford Motor Company fabriquent la première Ford T, appelée à une immense succès dès 1908. Le nom de Ford reste indissociable de son modèle de production le fordisme ( associant parcellisation des taches sur une chaine, salaires des ouvriers stimulant la consommation et division du travail entre les tâches d'exécution et de conception).
La première chaine est introduite chez Ford en 1912 pour approvisionner en sable la fonderie. Celle de montage arrivera en 1913. Des millions de Ford T standardisées sortent des usines de Detroit et assurent la fortune du magna de l'automobile : entre 1908 et 1927,15 millions de Ford T. sont produites (ci dessus Henry Ford devant la Ford T. en 1921). En 1913, Ford détient déjà 45% du marché automobile intérieur. En reconversion durant les deux guerres mondiales pour participer à l'effort de guerre national, Ford ne cessera de proposer des modèles souvent modifiés à la marge mais permettant de renouveler suffisamment l'offre sur le marché. Après guerre la possession d'une automobile incarne un des incontournables de l'american way of life.
Ci contre le complexe Ford River Rouge photographié par Robert Franck en 1955, c'est le cÅur de la FMC à Dearbourn.
Chaine d'assemblage à Detroit, Robert Franck,1955.
1908 est vraiment une année clé puisqu'elle voit simultanément naitre la Ford T et sa principale concurrente la firme General Motors. GMC (General Motors Company) qui absorbe des marques comme Buick, Pontiac, Cadillac ou encore Chevrolet. A la fin des années 20, GMC est le plus grand producteur mondial d'automobiles (dépassant Ford en 1926). Pour avoir une idée de ce que ce géant de l'automobile standardisée peut réaliser, il produit déjà en 1929 2 100 000 véhicules. Durant la deuxième guerre mondiale le groupe s'investit comme son concurrent dans l'effort de guerre des Ãtats-Unis. Sa puissance est telle au sortir du deuxième conflit mondial que Charles Wilson, PDG du groupe, pouvait s'enorgueillir et déclarer en 1953 que "ce qui est bon pour l'Amérique est bon pour General Motors et vice versa".
Chrysler est le dernier membre du trio constituant les Big three de Detroit. Née plus tardivement en 1924, la firme se fait connaitre en exposant son premier modèle, la Six, dans le hall de l'Hotel Commodore à New York. 3 ans plus tard Chrysler fabrique sa première décapotable promue par la publicité en couleur : l'imperial. Avec la deuxième guerre mondiale l'entreprise se réoriente vers la production militaire : moteurs, chars Pershing etc... Une soixantaine de projets sortent des usines Chrysler.
Au cours de la décennie suivante, Chrysler affine son image de marque avec des publicités l'associant à l'élégance faite automobile, ajoute des innovations techniques importantes (un début de direction assistée ou d'auto radio par exemple) et produit la voiture la plus puissante du marché mondial : la Chrysler C-300 (1955). Sur les photos ci-dessous on voit (à gauche) le siège de l'entreprise Chrysler à Highland Park Michigan en 1942, implantation historique de l'entreprise, à l'endroit même où la Ford Company possède une de ses usines en activité jusqu'en 1950.(photo de droite).
Détroit : les big three vs Preston Tucker.
C'est en 1948 que Preston Tucker va venir troubler les trio dominant de l'industrie automobile américaine et mondiale. Il n'est pas un inconnu pour les Big 3 puisqu'il a dejà travaillé sur des moteurs pour le fils d'Henry Ford, Edsel. (Sur la photo ci contre Preston Tucker, au centre et Henry Ford à sa gauche en 1932 à Indianapolis) Au début de la guerre il récupère auprès du gouvernement les locaux de l'ancienne usine d'aviation Dodge de Chicago contre l'engagement de produire 50 véhicules. Il lève des sommes considérables et se lance dans le projet de construction d'une voiture révolutionnaire la Tucker 48 connue sous le nom de Torpedo, "the car of tomorrow today".
La Torpedo est une voiture réellement innovante aussi bien du coté conception qu'en matière de sécurité. Elle intègre un pare brise feuilleté et éjectable, des ceintures de sécurité à l'avant et à l'arrière, un phare central mobile bougeant avec le volant (cyclope) ou encore un tablier rembourré de mousse. Sa ligne est racée. Mais Tucker est victime d'enquêtes répétées de commissions boursières. Il a du mal à mener à bien son projet et dénonce une campagne en sous main des Big 3 pour lui mettre des batons dans les roues par du lobbying politique ou en l'empechant de s'approvisionner en acier.
Accusé de malversations financières,il perd la direction de son entreprise et doit renoncer à la production de la Torpedo. Ses démêlées avec la justice le contraignent donc à abandonner ses rêves automobiles. Il est acquitté en 1950 à l'issue du procès en prouvant qu'il a rempli sa partie du contrat : il aligne 50 rutilantes Torpedo devant le palais de justice. Mais les Big 3 ont la part belle car Tucker est ruiné et son usine fermée.
Preston Tucker meurt en 1956.The White Stripes : "The big three kills my baby".
je suis ruiné the big three killed my baby Les 3 grands ont tué mon bébé nobody's coming home again Plus personne ne vient à la maison Their ideas made me want to spit leurs idées me donnent envie de gerber a hundred dollars goes down the pit une centaine de dollar engloutie dans le gouffre 30,000 wheels are rollin' 30000 roues tournent and my stick shift hands are swollen et mes doigts collants de travailleurs à la chaine sont enflés everything involved is shady tout ce qui entoure [cette afaire] est obscur the big three killed my baby
Les 3 grands ont tué mon bébé The big three killed my baby
Les 3 grands ont tué mon bébé no money in my hand again
je suis ruiné the big three killed my baby
les 3 grands ont tué mon bébé nobody's coming home again
plus personne ne vient à la maison Why dont you take the day off and try to repair ?
Pourquoi ne fais tu pas un break pour essayer de te remettre? a billion others dont seem to care
un milliard de personnes s'en moquent better ideas are stuck in the mud
les meilleures idées sont engluées dans la boue the motors runnin' on tuckers blood
les moteurs carburent au sang de Tucker dont let them tell you the future's electric
qu'ils ne te disent pas que le future est electrique cause gasolines not measured in metric
parce que l'essence ne se mesure pas 30,000 wheels are spinnin'
30 000 roues tournent and oil company faces are grinnin'
et les compagnies pétrolières affichent un sourire carnassier now my hands are turnin' red
Maintenant mes mains rougissent and i found out my baby is dead
et j'ai découvert que mon bébé est mort The big three killed my baby
les 3 grands ont tué mon bébé no money in my hand again
je n'ai de nouveau plus d'argent the big three killed my baby
les 3 grands ont tué mon bébé nobody's coming home again
plus personne ne vient à la maison Well i've said it now, nothings changed
Je l'avais bien dit, rien n'a changé people are burnin for pocket change
les gens se damnent pour de l'argent de poche and creative minds are lazy
les esprits créatifs tournent au ralenti and the big three killed my baby
et les 3 grands ont tué mon bébé And my baby's my common sense
et mon bébé est mon bon sens so dont feed me planned obsolescence
ne me gave pas obsloscence planifiée yeah my baby's my common sense
oui mon bébé est mon bon sens so dont feed me planned obsolescence
alors ne ma gave pas obsolescence planifiée i'm about to have another blowout
je vais de nouveau péter les plombs i'm about to have another blowout
je vais de nouveau péter les plombs
(NB : Merci de votre indulgence pour la traduction du texte qui respecte plus l'esprit que les mots de son auteur. Il était difficile de transposer certaines parties assez imagées et à ce titre je remercie ma collègue et amie Blandine Aglossi pour l'aide précieuse qu'elle a apporté à la traduction de la chanson)
Quelques liens pour aller plus loin :
Quelques liens pour aller plus loin :
- Crise automobile : le Michigan au bord du gouffre.
- Walter Roland : "T model blues", 1933.
- MC5 : "motor city is burning"
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